Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/187

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tins qui menait à la grille ; puis elle s’arrêta un moment et parcourut des yeux la petite place ombragée. Sous les arbres, les bancs de pierre étaient vides ; elle parut puiser du courage dans la solitude qui l’entourait, car elle traversa la petite place, vers l’embarcadère du vapeur, et fit une pause devant le guichet, au bout du quai. Maintenant elle prenait son billet. Gannett se retourna pour regarder l’heure à la pendule : le bateau serait là dans cinq minutes. Il n’avait que le temps de sauter dans ses habits et de la rejoindre…

Il ne bougea pas ; une force obscure le retint. Si, dans le tumulte de ses sentiments, une pensée surnageait, c’était qu’il devait la laisser aller si tel était son désir, à elle. La veille au soir, il avait parlé de ses droits, à lui : — de quels droits ?… En fin de compte, ils étaient, lui et elle, deux êtres séparés, qui n’étaient pas fondus en un seul par le miracle de corvées, d’obligations, d’abnégations communes, mais se trouvaient liés ensemble dans une noyade de passion, où ils résistaient tout à la fois et se cramponnaient l’un à l’autre, en coulant…

Après avoir pris son billet, Lydia était restée là un moment, les yeux errant à travers le lac ; puis il la vit s’asseoir sur un des