Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/334

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pour méditer sur l’événement. Et sur sa couche de roseaux il vit une jeune femme endormie, couverte d’un vêtement singulier, avec d’étranges amulettes autour du cou.

Ce spectacle remplit l’ermite de frayeur, car il se souvenait du nombre de cas où le démon, pour tenter les Pères du désert, avait pris la forme d’une femme. Il réfléchit pourtant que, n’éprouvant aucun plaisir à la vue de cette créature, brune comme cornouille et amaigrie par la marche, il ne courait guère de péril à la regarder. Il la prit d’abord pour une Égyptiaque errante, mais voyant sur son sein, parmi les amulettes païennes, un Agnus Dei, il en fut si surpris qu’il se pencha sur elle et la réveilla.

Elle sursauta, mais voyant la cuculle et le bourdon de l’ermite, et son visage incliné, elle demeura étendue et dit : « J’ai arrosé chaque jour ton jardin en échange des haricots et de l’huile que j’ai pris à ta provision. — Qui es-tu et d’où viens-tu ? dit l’ermite — Je suis une femme sauvage et je vis dans les bois. » Et comme il la pressait derechef de lui dire pourquoi elle avait cherché refuge dans sa caverne, elle lui apprit que le Midi, d’où elle venait, était envahi par des compagnies d’hommes d’armes et par des troupes de malfaiteurs, et qu’il y prévalait un désordre et un carnage fort