Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/148

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seul rayon de lumière qui éclairait sa nuit était sur le point de s’évanouir.

Il s’affala lourdement sur le divan. Tous ses membres étaient si lourds qu’il avait l’impression de ne plus jamais pouvoir les remuer. Des larmes lui emplirent la gorge et creusèrent un sillon brûlant jusqu’à ses paupières…

Tandis qu’il demeurait ainsi étendu dans l’obscurité, la fenêtre en face de lui s’éclaira peu à peu, encadrant un coin de ciel d’une clarté laiteuse. Une branche tordue s’y profilait : une branche de ce pommier sous lequel, en rentrant de la scierie, il trouvait parfois Mattie assise pendant les soirs d’été. Lentement, le voile des vapeurs pluvieuses prit feu et se déchira, et l’astre apparut, tout pur, suspendu dans la nuit bleue.

Ethan se dressa sur le coude et regarda le paysage qui blanchissait peu à peu et arrondissait ses contours sous la sculpture de la lune. C’était cette nuit même qu’ils devaient, Mattie et lui, aller au village pour leur partie de luge ; et voilà que devant lui s’allumait la lampe qui les eût éclairés ! Le cœur lourd, il contemplait les pentes lumineuses, les bois sombres auréolés d’argent, les collines nébuleuses se confondant avec le bleu violacé de l’horizon ; et il lui sembla que la nature étalait devant lui toute cette beauté nocturne pour mieux se jouer de son désespoir.