Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/38

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jeune homme, plongeant à travers la foule, entraîna jusqu’au bout de la pièce une jeune fille qui avait déjà coiffé une écharpe en laine cerise ; puis il commença de tourner avec elle sur un air de scottish.

Le cœur de Frome se mit à battre plus fort. Malgré tous ses efforts pour découvrir la jolie tête brune à l’écharpe cerise, un autre regard avait été plus prompt que le sien, et il en souffrait. Le boute-en-train, qui paraissait avoir du sang irlandais dans les veines, dansait bien, et sa compagne s’animait au jeu. Sa fine taille se balançait en passant sous les mains qui formaient la chaîne ; le tourbillon qui l’emportait, de plus en plus rapide, soulevait de ses épaules l’écharpe qui se déroulait derrière elle. À chaque tour, Frome apercevait ses lèvres haletantes et rieuses, les cheveux bruns qui voltigeaient sur son front : ses yeux sombres demeuraient l’unique point fixe dans ce labyrinthe de lignes mouvantes.

Les couples tournoyaient de plus en plus vite : les musiciens, pour ne pas se laisser distancer, fouaillaient leurs instruments comme des jockeys cinglant leurs montures à la vue du poteau. Et cependant il semblait à Ethan que la scottish ne finirait jamais… De temps à autre, il détournait son regard de la jeune fille pour le reporter sur son cavalier, qui, dans l’enivrement de la danse, avait pris un air de domination insolente.