Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/78

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copain lui donnait une bourrade, en l’appelant « mon vieux » ou « vieil éteignoir » ; et, de retour à Starkfield, l’absence de ces familiarités n’avait pas été sans accroître son isolement.

D’année en année, le silence s’était fait plus profond autour de lui. Demeuré seul, après l’accident de son père, pour porter le double fardeau de la ferme et de la scierie, il n’avait pas eu le loisir de partager les flâneries, coupées d’arrêts au bar, des jeunes gens du village ; et quand sa mère tomba malade à son tour, la maison devint plus solitaire que les champs mêmes qui l’environnaient.

La vieille Mrs Frome avait été assez bavarde dans sa jeunesse, mais après son « attaque », bien qu’elle n’eût pas perdu l’usage de la parole, elle ne parla presque plus. Quelquefois, durant les interminables soirées d’hiver, si son fils, énervé par le silence, lui demandait pourquoi « elle ne disait pas quelque chose », elle levait le doigt et répondait : « Parce que j’écoute » ; et, certaines nuits d’ouragan, lorsque le vent hurlait autour de la maison, elle se plaignait de ne pouvoir entendre ce qu’Ethan lui disait, « parce qu’ils faisaient tant de bruit au dehors ».

Ce fut seulement à l’époque de la dernière maladie de Mrs. Frome, quand Zenobia Pierce vint de la vallée voisine pour aider son cousin à soigner la vieille femme,