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Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/19

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DEDICACES

Par matelots jeunes et vieux peut-être, comme un souvenir de la terre, serai-je lu,
En pleine concordance enfin.

Voici nos pensées, les pensées de ceux qui naviguent,
Voici apparaître non seulement la terre, la terre ferme, pourront-ils dire alors,
La voûte du ciel ici s’éploie, nous sentons le pont onduler sous nos pieds,
Nous sentons la longue pulsation, jusant et flot au mouvement infini,
Les accents du mystère invisible, les vagues et vastes suggestions du monde océanique, les syllabes au flot liquide,
L’odeur, le léger craquement des cordages, le rythme mélancolique,
La vue illimitée et l’horizon lointain et confus sont ici tout entiers,
Et c’est le poème de l’océan.

Alors n’hésite pas, ô livre, accomplis ton destin,
Toi qui n’es pas un souvenir de la terre seule,
Toi aussi telle une barque solitaire fendant l’éther, vers quel but je ne sais, pourtant à jamais plein de foi,
De conserve avec chaque navire qui vogue, vogue toi !
Porte-leur encloses mes affections (chers marins, c’est pour vous que je les enclos ici en chaque feuille) ;
Avance toujours, mon livre ! déploie tes voiles blanches, ma petite barque, au travers des vagues impérieuses,
Chante toujours, vogue toujours, porte de ma part sur le bleu sans bornes, à toutes les mers,
Cette chanson pour les marins et tous leurs navires.