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CHAPITRE IV.

échos de la montagne. Ah ! aucune réponse ! Pas encore ? mais attendez un peu, tout se passe ici sur une grande échelle ; comptez jusqu’à douze, et les parois de la Dent d’Hérens, éloignée de plusieurs kilomètres, vous renverront des paroles, des sons d’une irréprochable pureté, doux et mélodieux. Arrêtons-nous un instant pour contempler la vue ! Nous dominons la Tête du Lion et aucun obstacle n’arrête nos regards de ce côté, excepté la Dent d’Hérens dont le sommet est encore à plus de 300 mètres au-dessus de nous ; nous embrassons d’un coup d’œil les Alpes Grecques — un océan de montagnes — d’où émergent leurs trois grands pics : le Grivola, le Grand Paradis et la Tour de Saint-Pierre. Comme à cette heure matinale leurs formes pourtant si aiguës offrent de doux contours ! Les brouillards du milieu du jour n’ont pas commencé à s’élever ; aucun objet n’est voilé par aucune vapeur ; le cône pointu du Viso lui-même se dessine parfaitement net à l’horizon, bien qu’il soit éloigné de plus de cinquante kilomètres.

Tournez-vous vers l’est, et suivez les rayons obliques du soleil levant, pendant qu’ils s’avancent rapidement sur les champs de neige du Mont-Rose. Regardez les parties qui restent encore dans l’ombre, mais qui rayonnent elles-mêmes d’une lumière réfléchie, et brillent d’un éclat tel que l’homme ne saurait le dépeindre. Regardez : voyez comment, là aussi, les plus faibles ondulations produisent des ombres dans les ombres, et comment partout où des pierres ou des fragments de glace ont laisse leur trace en tombant sur le glacier, les ombres qui se projettent sur les ombres ont un côté sombre et un côté clair avec des gradations infinies d’une incomparable délicatesse. Remarquez ensuite comme la lumière du soleil, qui s’étend incessamment, fait surgir de l’obscurité une foule de contours imprévus : révélant des crevasses cachées par de légères ondulations, et des vagues de neige ; produisant à chaque instant de nouveaux jeux d’ombre et de lumière, étincelant sur les arêtes, scintillant sur les extrémités des aiguilles de glace, brillant sur les hauteurs, illuminant les profondeurs jusqu’à ce que tout ce que le regard embrasse resplendisse d’un tel