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Page:Whymper - Escalades dans les Alpes.djvu/125

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CHAPITRE V.

sérieusement la vie, mais il n’en est rien. On ne peut citer qu’un très-petit nombre d’accidents occasionnés par des chutes de rochers, et je n’ai entendu parler d’aucun touriste tué par une pierre dans les Alpes supérieures[1]. Peu de personnes soutiendront, je le suppose donc, qu’il est déraisonnable de faire le moindre exercice du corps tant qu’il y a un risque à courir ; car il serait aussi déraisonnable de traverser Fleet Street au milieu du jour.

Si c’était pour nous tous un devoir absolu d’éviter toute espèce de danger, nous serions condamnés à passer notre vie dans l’intérieur de nos appartements. Dans mon opinion, le plaisir que l’on prend aux courses des montagnes dépasse les périls auxquels on s’expose, et la crainte de ces périls ne les empêchera jamais. Cependant je tiens à constater qu’ils sont très-réels et de nature à menacer la vie du montagnard le plus expérimenté.

Il n’y a donc qu’un seul danger positif dans les excursions de montagnes, et encore n’est-il pas très-redoutable. Cependant, nombreux sont les dangers négatifs qui ont coûté la vie à un grand nombre de personnes. Les mots positif et négatif sont employés dans l’acception suivante : le danger positif est celui qu’il nous est impossible d’éviter, et le danger négatif celui qui exige de notre part une participation quelconque pour qu’il devienne un danger positif. Exemple : Un précipice est un danger négatif, mais c’est un danger positif pour un homme qui y tombe ; une pente de neige fraîche et escarpée possède des propriétés dangereuses, mais elle ne devient positivement dangereuse que si, son équilibre détruit, elle descend comme une avalanche ; les blocs de rochers entassés sur une crête éboulée ne sont dangereux que lorsqu’ils perdent leur point d’appui ; enfin une crevasse cachée peut être périlleuse au dernier point, mais elle ne le sera pour vous que si vous y glissez. Cette distinction n’est pas aussi subtile qu’elle le paraît au pre-

  1. Le contraire est vrai pour les Alpes inférieures. On peut citer, entre autres, une dame qui eut le crâne fracturé par un fragment de roche, pendant qu’elle était assise à la base de la Mer de Glace.