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ESCALADES DANS LES ALPES.

mier abord, et il est essentiel de bien s’en souvenir si l’on veut comprendre clairement ce que les excursions dans les montagnes ont de bon et de mauvais. S’il était impossible de ne pas tomber dans les crevasses, de ne pas faire rouler de gros blocs de rochers éboulés ou glisser des avalanches, enfin de ne pas se laisser choir dans les précipices, les courses de montagnes seraient, au point de vue de l’exercice, absolument injustifiables, et, suivant les principes déjà posés, elles sont injustifiables si, par maladresse ou par négligence, on transforme leurs dangers négatifs et inactifs en dangers positifs et actifs. Remarquons ici, par parenthèse, que l’on emploie fréquemment et légèrement le mot de témérité en parlant des accidents qui arrivent dans les Alpes. De ce qu’un touriste est blessé ou tué dans les montagnes ou ailleurs, il ne faut pas en conclure qu’il a été téméraire. En passant en revue les accidents arrivés dans ces dernières années, le mot de témérité serait, il me semble, inapplicable à la plupart d’entre eux. Se livre-t-on à un exercice qui, selon toute probabilité, ne doit pas réussir ou doit avoir un dénoûment fatal, dans ce cas seulement on peut être à juste titre qualifié de téméraire.

Une glissade qui provient d’un moment d’imprudence, ou un accident causé par un excès de fatigue, ne sauraient guère être rangés parmi ces fatalités qui sont les résultats directs d’imprudences absolument inexcusables.

On ne saurait le nier cependant, il est arrivé des accidents pour lesquels aucune excuse ne saurait être valable. Dans l’opinion des juges les plus compétents, la plupart de ces accidents sont dus à deux genres de témérités qui méritent une énergique réprobation. La première consiste à tenter de traverser la partie supérieure des glaciers (celle qui est couverte de neige) sans se servir d’une corde, et la seconde à ignorer l’instabilité de la neige fraîchement tombée. Chaque année, l’une ou l’autre de ces sottes imprudences coûte la vie à plusieurs personnes. Dans ces deux cas, les dangers sont parfaitement connus et l’on peut prédire le résultat avec une certitude presque absolue. Celui qui essaye de traverser seul, ou avec plusieurs compagnons, les par-