Page:Whymper - Escalades dans les Alpes.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
120
ESCALADES DANS LES ALPES.

catégories ; ils ont principalement pour causes des étourderies momentanées ou des imprudences faites par des individus qui n’ont pas su calculer leurs forces. Deux accidents sont rarement pareils ; le plus grand nombre est occasionné par la difficulté qu’éprouve un touriste inexpérimenté à se maintenir en équilibre dans les endroits glissants. Ils dépendent non des dangers de la montagne, mais des faiblesses du voyageur. On remplirait aisément un volume d’exemples à l’appui de cette vérité ; tous prouveraient que, si on n’avait pas fait cela, ou si on avait fait ceci, le résultat eût été différent. Dans bien des cas, les règles, dont l’observation est nécessaire dans les courses de montagnes, ont été violées, et, dans tous les cas, c’est l’homme et non la montagne qui est le coupable.

J’ai tâche d’établir d’abord ce qui est simplement difficile et ce qui est absolument dangereux, en second lieu de distinguer les dangers inévitables de ceux que l’on peut éviter, et troisièmement de classer tant bien que mal les différentes causes d’accidents. Si je ne me suis pas trompé, je suis autorisé à conclure que les dangers des Alpes ont été ridiculement exagérés, et l’on doit souhaiter non que l’accès des montagnes devienne plus facile, mais que les touristes tâchent de devenir plus robustes et plus prudents. Cependant il ne faut guère s’attendre à voir cesser, ni même diminuer de nombre, les accidents dans les Alpes, tant que des touristes novices essayeront d’imiter les hauts faits des montagnards exercés, et que des gentlemen, d’un âge mûr, aux genoux raidis par l’âge, tenteront des ascensions qui doivent être réservées aux hommes jeunes et actifs ; ces audacieux sont peut-être plus à plaindre qu’à blâmer, mais on doit toujours désirer vivement qu’ils méditent un peu plus sérieusement cette vérité : « Ce qui est un jeu pour l’un peut causer la mort d’un autre, » au lieu de s’appliquer à eux-mêmes la maxime : « Ce que l’un a fait, l’autre peut le faire. »

Un innocent couloir, que je crains d’avoir représenté comme dangereux, a amené cette longue digression. Ce vestibule, où jamais être humain n’avait posé le pied avant moi, conduisait à un paysage si sauvage que la description la plus simple