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CHAPITRE V.

ties supérieures des glaciers, sans être attaché à une corde, n’est pas nécessairement la victime d’un accident la première fois qu’il fait cette folie ; mais il peut en être certain, s’il la renouvelle, il en sera puni tôt ou tard. Quoi qu’il lui arrive, il est téméraire, parce qu’il brave un danger auquel on ne s’expose qu’en négligeant de prendre les précautions les plus élémentaires. La seconde hypothèse n’admet pas malheureusement le même raisonnement, car elle comprend trois éléments différents qui sont chacun sujets à de continuelles variations. Le premier est la qualité de la neige, le second est sa quantité, le troisième est le degré d’inclinaison de la pente sur laquelle elle repose. Malgré tout, il n’est pas très-difficile, dans la pratique, de déterminer quand une neige fraîchement tombée est dangereuse ou non à traverser. Par exemple, on peut poser comme règle générale qu’il est imprudent de s’aventurer sur toute pente qui excéderait trente degrés d’inclinaison, plusieurs jours après que la neige est tombée en abondance, Chaque année, le fait est également certain, des touristes inexpérimentés ou imprudents traversent ou tentent de traverser des pentes qui dépassent de beaucoup cet angle, vingt-quatre heures seulement après la chute d’une neige abondante.

Les touristes qui commettent ces imprudences songent-ils qu’ils risquent leur vie ? C’est une question qu’il est permis de s’adresser. Quelquefois ils ont probablement failli par pure ignorance ; mais, d’autres fois, les clameurs et les protestations qui s’étaient élevées contre leur départ ne leur avaient pas permis d’ignorer l’opinion des juges les plus compétents. Ces sortes d’actions peuvent donc être justement qualifiées de téméraires, qu’elles soient faites par ignorance ou par entêtement.

Trois causes possibles d’accident ont donc été mentionnées. La première ne fait pas courir un grand risque, mais elle constitue un danger inévitable tout le temps que durent les courses de montagnes ; les autres exposent les touristes aux plus graves périls, mais une petite dose de sens commun suffit pour les éviter. Cependant la plus grande partie des accidents qui ont lieu dans les Alpes ne sauraient être rangés dans ces différentes