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CHAPITRE I.

Je dus m’arracher bien malgré moi à la contemplation de cette superbe montagne et je descendis à Visp. Une société de touristes anglais remontait la vallée, avec un mulet. Elle se composait de neuf personnes — huit jeunes femmes et une gouvernante. Le mulet portait leur bagage et chacune d’elles le montait à son tour. Les paysans, qui trop souvent surchargent leurs bêtes de somme, demeuraient frappés d’étonnement à ce spectacle inaccoutumé, et commentaient trop librement, pour des oreilles anglaises, la nonchalance avec laquelle chaque jeune miss restait assise, à tour de rôle, calme et impassible, sur la malheureuse bête, qui pliait sous son double poids.

À peine redescendu dans la vallée du Rhône, je la remontai jusqu’à Viesch, d’où je fis l’ascension de l’Eggischhorn. Sur cette déplaisante sommité, je perdis, dans le brouillard, non-seulement mon chemin, mais ma bonne humeur. Après avoir traversé ensuite le Grimsel au milieu d’une violente tempête, je gagnai Brienz, Interlachen et Berne, d’où je me dirigeai, par Fribourg, Morat et Neuchâtel, sur Martigny et le Saint-Bernard. Les murs massifs du couvent réjouirent mes yeux, tandis que je gravissais péniblement les champs de neige voisins du col ; bien agréable me fut aussi le salut poli du frère qui