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CHAPITRE VI.

digieusement escarpées, et en pensant à l’audace qui nous avait déterminés à camper sur l’arête du sud-ouest, et dont on distingue très-bien le profil du Stockje. Carrel voyait alors pour la première fois les flancs nord et nord-ouest de la montagne, et plus que jamais il était fermement persuadé que l’ascension du Cervin n’était possible que du côté du Breuil.

Trois ans après, je passais au même endroit avec le guide Franz Biener, quand une bouffée de vent nous apporta soudain une odeur très-désagréable. En cherchant autour de nous d’où provenait cette odeur, nous découvrîmes un chamois mort à mi-chemin des escarpements méridionaux du Stockje. Nous y grimpâmes et nous vîmes qu’il avait été victime d’un accident aussi rare qu’extraordinaire. Ayant glissé sur les rochers supérieurs, il avait roulé tout le long d’une pente de débris sans pouvoir reprendre pied, puis il était tombé sur un petit îlot de rochers qui se dressait au milieu des éboulis. Les pointes de ses deux cornes s’étaient accrochées à une toute petite saillie, large à peine de 2 centimètres et demi, et d’où il n’avait pu atteindre que les débris situés au-dessous des rochers qu’il avait labourés et rejetés avec ses pieds jusqu’à ce qu’il n’eût plus trouvé que le vide, Évidemment il était mort de faim, et nous trouvâmes le pauvre animal presque flottant dans les airs, la tête rejetée en arrière, la langue pendante, et les yeux tournés vers le ciel, comme s’il implorait son secours.

Nous n’eûmes aucune aventure de ce genre en 1863 et nous nous rendîmes par ce passage facile aux chalets de Prarayen, sans nous donner la moindre peine. Du sommet à Prarayen, descendons d’un seul pas. Le chemin a déjà été décrit, et ceux de nos lecteurs qui désireront de plus amples renseignements pourront consulter la description de M. Jacomb, qui a découvert ce passage[1]. Nous n’avions pas besoin non plus de nous ar-

  1. Peaks, Passes, and Glaciers, seconde série.

    Le sommet du col de Valpelline est à environ 3550 mètres d’altitude. Le passage est un des plus faciles des Alpes à cette hauteur, et (si on suit la meilleure direction) on peut le traverser par un beau temps et dans des circonstances favorables sans tailler un seul degré. Ajoutons cependant que, si l’on ne prend