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CHAPITRE IX.

pas avec la hache pour descendre le couloir presque formidable, etc., etc.[1]. »

C’est au pied de ce même couloir que nous nous trouvâmes dès l’aube du 25 juin 1864 ; cependant, je dois, avant de commencer le récit de cette journée pleine d’événements mémorables, relater les tentatives faites par MM. Mathews et Bonney en 1862.

Ces deux touristes, accompagnés des deux Croz, essayèrent d’escalader les Écrins peu de semaines après que M. Tuckett eut examiné cette montagne. « Le 26 août, dit M. Bonney[2], nous montions avec ardeur, et nos espérances de succès devenaient de plus en plus vives ; le prudent Michel lui-même se permit de crier : « Ah ! malheureux Écrins, vous serez bientôt morts, » au moment où nous attaquions la dernière pente qui conduisait au pied du cône terminal. Mais le vieux proverbe : Il ne « faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir jeté par terre… » devait encore se trouver justifié dans cette occasion. Arrivés au sommet de la pente, nous nous vîmes brusquement séparés du pic par une formidable bergschrund que traversait le plus fragile des ponts de neige. Nous regardions à droite et à gauche, pour voir si nous pourrions atteindre l’une ou l’autre des arêtes qui en dominaient les extrémités ; mais, au lieu de surgir directement de la neige comme on aurait pu le croire en les voyant d’en bas, ces arêtes se terminaient par une muraille de rochers haute de près de 12 mètres. La bergschrund ne présentait qu’un seul endroit assez étroit pour qu’on pût la traverser, et il fallait ensuite escalader une paroi de glace, puis tailler des degrés dans une pente de neige fort raide avant d’atteindre l’arête. Enfin, après avoir cherché en vain un passage pendant quelque temps, Michel nous dit de l’attendre, et il alla seul explorer la brèche qui sépare le pic le plus élevé

  1. Alpine Journal, décembre 1863.
  2. Alpine Journal, juin 1863.