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CHAPITRE IX.

les connaissions trop bien pour ne pas être sûrs qu’ils ne reculeraient que devant un danger réel ; aussi donnâmes-nous le signal de la retraite. »

Un temps magnifique avait favorisé ces deux expéditions, et ni M. Tuckett, ni MM. Mathews et Bonney n’avaient été obligés de se presser pour redescendre, car ils avaient passé la nuit sur la montagne à une élévation considérable, et ils arrivèrent de très-bonne heure à la base du pic terminal des Écrins sans avoir aucunement dépensé leurs forces, ayant tout le temps nécessaire pour poursuivre leur ascension. Dans les deux tentatives, guides et touristes étaient des hommes d’élite, des montagnards expérimentés qui avaient donné de nombreuses preuves d’adresse et de courage, et qui n’étaient pas habitués à renoncer à une entreprise simplement parce qu’elle est difficile.

Ces deux tentatives d’ascension ne furent pas poursuivies parce que dans l’état de la neige à la base et sur les flancs du dernier pic, — état qui devait faire craindre la chute d’une avalanche, — le danger était trop positif ; il eût donc été inexcusable de persister.

Nous avons déjà signalé plusieurs fois dans ce récit l’extrême variabilité du temps sur les sommités des Alpes ; aussi n’avions-nous, nous ne l’ignorions pas, qu’une bien faible chance de trouver réunies le 25 juin, ou tout autre jour fixé d’avance, les conditions indispensables pour le succès de notre entreprise. L’opinion de nos amis nous inspirait une confiance tellement absolue que nous convînmes entre nous de ne poursuivre notre entreprise que dans le cas où nous rencontrerions des circonstances manifestement favorables.

À 6 heures 20 minutes, nous avions atteint le sommet du couloir (un couloir de première classe, haut d’environ 300 mètres) ; et de là nous découvrions parfaitement toutes les difficultés qu’il nous restait à vaincre. La Pointe des Écrins[1], qui nous avait paru de loin si difficile, si effilée, si aiguë, nous sembla

  1. La vue des Écrins (v. la page suivante) a été prise au sommet du col du Galibier.