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CHAPITRE IX.

neige offrait des conditions excellentes, et, ce qui était plus important encore, la dernière neige tombée sur le pic supérieur, manquant de solidité, avait roulé dans le glacier en avalanches gigantesques par-dessus les schrunds, les névés, les séracs, les collines et les vallées du glacier, nivelant les unes, comblant les autres jusqu’au col où elle formait d’énormes amas qui ne pouvaient plus nous nuire. Ces avalanches avaient laissé derrière elles, en glissant, une large traînée, presque une route, sur laquelle il nous était facile d’avancer avec rapidité, du moins pendant une partie de notre ascension.

Tout cela vu et apprécié en quelques minutes, comme il n’y avait pas de temps à perdre, nous mangeâmes quelques morceaux à la hâte, nous laissâmes au col nos sacs, nos provisions et tout ce qui eût pu nous gêner, puis nous repartîmes à 6 heures 1/2 en nous dirigeant en droite ligne vers le côté gauche de la bergschrund, car sur ce point seulement elle était praticable.


Nous la traversâmes à 8 heures 10 minutes. On peut suivre notre route sur le plan ci-joint. La flèche désignée par la lettre D indique la direction du glacier de la Bonne-Pierre. L’arête située en travers sur le premier plan est celle qui est indiquée en partie au haut de la carte, à la page 217, et qui conduit de la Roche Faurio dans la direction de l’O. N. O. Nous venions du point D quand nous atteignîmes le plateau du glacier de l’Encula, situé derrière cette arête ; et nous nous dirigeâmes presque en ligne droite à la gauche de la bergschrund vers le point A.

Jusque-là, aucun obstacle sérieux ne nous arrêta ; mais tout changea soudain. La Pointe des Écrins se termine par une espèce de pyramide triangulaire de 220 mètres. L’une des trois faces de cette pyramide, qui domine le glacier Noir, est un des précipices les plus abrupts et des plus effroyables de toutes les Alpes. La seconde, moins escarpée et d’une forme moins régulière que la première, domine le glacier du Vallon.