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CHAPITRE X.

gravîmes un kilomètre de hauteur absolue. Malgré sa raideur, cette pente n’offrait pas de difficultés exceptionnelles, car à 10 heures 45 minutes nous étions au sommet du col, ayant escaladé en cinq heures, y compris les haltes, plus de 1500 mètres.

La feuille 189 de la carte française place au sud de la crête des Bœufs-Rouges un glacier qui s’étend de l’est à l’ouest, tout le long de l’arête à sa base. En 1864, ce glacier n’existait pas tel qu’il était indiqué sur cette feuille, mais au point qu’il eût dû occuper se trouvaient plusieurs petits glaciers séparés l’un de l’autre, à ce que je crois[1].

Nous commençâmes à monter en nous dirigeant à l’ouest du plus occidental de ces petits glaciers, et, ce glacier dépassé, nous quittâmes le Val d’Entraigues par la première grande brèche que nous rencontrâmes dans les rochers. Nous ne passâmes des rochers sur la glace que lorsqu’elle nous offrit un chemin plus aisé ; à ce moment (8 heures 30 minutes), Croz marchait en tête, et nous guidait avec une adresse admirable à travers un labyrinthe de crevasses, en montant vers la base d’un grand couloir de neige, qui se dressait devant nous de l’extrémité supérieure du glacier au sommet de l’arête sur laquelle nous devions passer.

Sans en rien savoir, nous avions décidé à Londres qu’un couloir semblable devait se trouver dans cet angle de la montagne ; mais quand, arrivés dans le Val d’Entraigues, nous constatâmes qu’il nous était impossible de voir l’endroit où nous avions placé notre couloir hypothétique, nous doutâmes de plus en plus de notre perspicacité ; heureusement les signes télégraphiques d’Almer, envoyé à sa découverte sur les pentes opposées, vinrent confirmer notre prophétie.

Les couloirs de neige ne sont ni plus ni moins que des ravins en partie remplis de neige. Ce sont des institutions fort utiles ;

  1. Voyez la carte, p. 217. Ces petits glaciers n’en formaient peut-être qu’un seul, mais cela n’est pas probable, à l’époque où la carte de France fut dressée. Depuis, les glaciers du Dauphiné (comme en général dans toutes les Alpes), se sont considérablement retirés. En 1869, une notable diminution eut lieu dans leurs dimensions, ce que les gens du pays attribuaient aux grandes pluies de l’année.