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CHAPITRE XI.

Après avoir passé la nuit du 7 juillet à l’abri de quelques gros blocs de rochers sur le Couvercle (le thermomètre était à trois degrés C.), le 8, nous nous dirigeâmes en droite ligne au nord du Jardin, puis nous montâmes de là, en décrivant des zigzags, sur les pentes supérieures du glacier de Talèfre, pour gagner le pied de l’Aiguille de Triolet. Croz était encore mon guide ; Reilly était accompagné de l’un des Michel Payot, de Chamonix ; nous avions pour porteur Henri Charlet, du même village.

Nous gravîmes le plateau ondulé du glacier, dont l’inclinaison resta modérée jusqu’à l’angle qu’il nous fallait contourner pour monter au col, d’où un glacier secondaire et assez escarpé descendait dans le bassin du Talèfre. Nous n’eûmes aucune peine à escalader ce glacier avec des guides aussi expérimentés que Croz et Payot ; à 7 heures 50 minutes du matin, nous arrivions au sommet du col de Triolet (situé, suivant les calculs du capitaine Mieulet, à 3706 mètres au-dessus de la mer, et à 1384 mètres au-dessus de l’endroit où nous avions campé sur le Couvercle).

Nous commençâmes à descendre sur des rochers très-escarpés, mais très-solides, puis nous suivîmes un bras du glacier de Triolet. Les schrunds[1] étaient nombreuses ; cinq traversaient complétement le glacier ; nous dûmes les franchir toutes en les sautant. Aucune d’elles n’égalait en grandeur et en profondeur l’effroyable crevasse du col de Pilatte, mais réunies elles la surpassaient de beaucoup. « Vraiment, dit Reilly, avec de pareilles crevasses, c’est un véritable fardeau que la vie ! »

Divers petits chaînons, qui se détachent, en se dirigeant vers le sud-est, de l’arête au pied de laquelle le glacier de Triolet prend son origine, divisent ce glacier en un certain nombre de baies. Nous descendîmes la baie la plus septentrionale ; et, quand nous en sortîmes pour entrer sur le grand glacier proprement dit, à la jonction de notre baie avec la plus rapprochée, nous passâmes

  1. Grandes crevasses. Une bergschrund est plus qu’une crevasse ordinaire (V. le chap. XIV).