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ESCALADES DANS LES ALPES.

de Combal, dans une charmante petite grotte creusée par quelque berger solitaire sous un grand bloc de rocher. Nous y passâmes la nuit et toute la journée du lendemain, car nous ne nous souciions pas plus de battre en retraite que de nous exposer aux plus graves difficultés en nous aventurant à travers le brouillard. Je m’ennuyais tellement que je ne pouvais rester en place. Reilly me fit un grand sermon sur l’excellence de la patience, puis il s’arrangea dans une attitude commode pour dévorer à son aise un livre couverture jaune. « La patience ! lui dis-je exaspéré, elle est facile a ceux qui possèdent des romans à vingt-cinq sous : mais je n’en ai pas apporté, moi j’ai nettoyé avec le plus grand soin les clous de mes souliers ; que puis-je faire maintenant ? — Allez, me dit-il, tâcher d’étudier la moraine du Miage. » Je lui obéis docilement, et je revins au bout d’une heure. «  Quoi de nouveau ? cria Reilly en se soulevant sur le coude. — Pas grand’chose ; c’est une grosse moraine, plus considérable que je ne le croyais, et défendue par de nombreuses arêtes à l’instar des enceintes d’un camp fortifié ; on y voit même des murailles percées d’ouvertures semblables à des meurtrières, comme pour résister à une attaque. — Allez encore l’étudier un peu, » dit-il en se renversant sur le dos. Mais j’en avais assez, et je m’en allai vers Croz qui dormait ; et je me mis à lui chatouiller le nez avec une paille jusqu’à ce qu’il se réveillât. Cette distraction épuisée, je surveillai Reilly du coin de l’œil ; il commençait a s’engourdir et changeait à chaque instant de position ; tantôt il