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CHAPITRE XI.

Combal[1], d’où nous nous rendîmes par le col de la Seigne aux Motets pour y passer la nuit. Le 13 juillet, nous allâmes à Contamines par le col du Mont-Tondu (nous y essuyâmes un orage effroyable), et à Chamonix par le col de Voza. Deux jours seulement nous restaient pour faire des excursions aux environs de ce dernier village ; nous résolûmes, pour les employer, de tenter de nouveau l’ascension de l’Aiguille d’Argentière que nous avions vainement essayé, comme je vais le rappeler, d’escalader la semaine précédente. Dans l’opinion de Reilly, on pouvait faire l’ascension de cette Aiguille en suivant l’arête qui conduit du col du Chardonnet à sa cime. En conséquence, le 6, à 6 heures et demie du matin, nous nous trouvions au sommet de ce col[2]. Notre expédition se composait de notre ami Moore et de son guide Almer, de Reilly avec son guide François Couttet, et de moi avec Michel Croz. Jusque-là, le temps avait été calme et le chemin facile ; mais, à peine arrivés au sommet du col, nous y fûmes assaillis par un vent furieux. Cinq minutes auparavant nous avions trop chaud ; en un instant nous nous sentîmes gelés. Une neige abondante nous enveloppait de ses tourbillons, pénétrait dans tous nos vêtements et nous piquait

  1. Neuf heures et demie nous furent nécessaires pour faire l’ascension de l’Aiguille de Trélatête en partant de notre camp sur le Mont-Suc (situé à deux heures et demie au-dessus du lac de Combal) et pour descendre jusqu’aux Motets. En quittant le bord du lac, nous remontâmes la plus grande des ravines du versant S. E. du Mont-Suc, puis nous gravîmes l’arête neigeuse à la pente douce qui couronnait le sommet de ce contre-fort de l’Aiguille de Trélatête. Nous descendîmes ensuite sur un bras du glacier de l’Allée Blanche, à travers une brèche ouverte dans une des arêtes inférieures du Mont-Suc. Après nous être dirigés alors en droite ligne sur ce glacier (en inclinant un peu au N. O.) jusqu’à ce que nous eussions atteint l’arête qui descend du sommet de l’Aiguille de Trélatête dans la direction du Mont-Blanc, nous suivîmes cette arête jusqu’au sommet du pic le plus élevé (le pic central) situé à 3932 mètres, en passant par le pic haut de 3895 mètres. Il est possible de descendre du point le plus élevé de cette Aiguille jusque sur le glacier de Trélatête. Je voulais suivre cette direction en 1864, mais je n’obtins pas la majorité des voix. — On trouve beaucoup de cristaux de roche sur le Mont-Suc. Nous découvrîmes des grottes féeriques incrustées de magnifiques spécimens d’un cristal étincelant, mais, comme toujours, les plus beaux se brisèrent avant que nous eussions pu les détacher entièrement.
  2. Le col du Chardonnet est à environ 3350 mètres ou 3380 mètres au-dessus du niveau de la mer.