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ESCALADES DANS LES ALPES.

portait. La neige d’une certaine qualité est, en effet, très-susceptible de glisser quand elle a une certaine inclinaison. On ne saurait décrire exactement celle qui est dangereuse ou sûre. L’expérience seule peut apprendre à les discerner ; tant qu’on n’a pas acquis cette expérience, la neige ne peut inspirer de confiance. À mesure que cette confiance augmentait en moi, ma préférence pour les rochers diminuait. Évidemment la neige était préférable aux rochers — je ne parle ici que des couches de neige ordinaires et de la neige qui recouvre les glaciers, — et, dans mes dernières excursions, j’ai toujours recherché avec soin les points où les pentes de neige et les glaciers couverts de neige s’élèvent le plus haut sur les montagnes. (V. p. 207.)

Toutefois il arrive rarement que l’on puisse faire l’ascension d’une haute cime en montant exclusivement sur la neige et les glaciers. On est forcé d’escalader les arêtes qui surgissent de distance en distance à leur surface. Dans mes premières grimpades, j’avais le plus souvent suivi, ou mon guide m’avait fait suivre, les arêtes rocheuses, et un grand nombre de touristes préfèrent cette voie par principe, comme étant la plus naturelle et la plus commode. D’après ma propre expérience, on a tort quand on peut faire autrement. Je l’ai dit et je le répète, la gelée a désagrégé la crête de toutes les principales arêtes des grands pics des Alpes. Souvent une petite brèche, qui paraît insignifiante à distance, offre de près une barrière infranchissable ; il faut faire un grand détour ou descendre longtemps pour tourner cet obstacle. Quand on s’est aventuré sur une arête, on est presque toujours forcé de suivre une direction donnée, dont il est très-difficile de dévier. Rencontre-t-on quelque obstacle sérieux, on est exposé à perdre un temps précieux ; un insuccès complet n’est même pas improbable.

Rarement un grand pic alpestre se trouve entièrement séparé des neiges et des glaciers qui l’environnent. Si ses flancs sont trop abrupts pour que la neige puisse s’y fixer, elle reste du moins dans ses couloirs. J’ai démontré à la page 242 les avantages de ces couloirs de neige.

En général, on peut monter facilement très-près du sommet