Page:Whymper - Escalades dans les Alpes.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
371
CHAPITRE XX.

fois ? « Cette idée parut toute nouvelle à mon brave guide et depuis il ne refusa jamais de se servir de la corde.

Cette répugnance des habitants des montagnes à employer la corde provient donc, suivant moi, de trois causes : les guides de première classe ont la conviction qu’ils ne courent presque aucun danger ; les guides de deuxième classe ont peur du ridicule et veulent singer leurs supérieurs ; les guides de troisième classe sont ignorants ou paresseux. Quant à moi, je proteste contre toutes les raisons qui font négliger une précaution si simple et si efficace. À mon avis, un touriste, qui veut parcourir les glaciers, doit, avant tout, se munir d’une corde suffisamment longue et solide.

L’Alpine Club anglais chargea, en 1864, une commission de lui faire un rapport sur les cordes préférables pour les excursions alpestres ; les deux genres de cordes auxquelles cette commission a donné son approbation sont, sans aucun doute, les meilleures que l’on puisse trouver. L’une est en chanvre de Manille, l’autre en chanvre italien. La première est la plus lourde, elle pèse un peu plus de trente grammes par trente centimètres. La seconde ne pèse que vingt-cinq grammes ; mais je préfère la corde de Manille, parce qu’elle est plus commode à manier. Ces deux cordes peuvent supporter un poids de 85 kilog. tombant d’une hauteur de 3 mètres, ou de 90 kilog. tombant de 2 mètres 50 centimètres de hauteur ; elles ne se rompent que sous un poids mort de deux tonnes. En 1865 nous emportâmes une corde de Manille longue de 60 mètres, mais le grand embarras que nous causa son poids fut bien compensé par la sécurité qu’elle nous donna. Plusieurs fois elle nous rendit plus de services qu’un guide supplémentaire.

Quelques mots maintenant sur l’usage de la corde. Il y a une bonne manière — et plusieurs mauvaises — de s’en servir. Bien souvent j’ai rencontré sur les glaciers des touristes élégants qui se trouvaient là très-évidemment en dehors de leur élément ; un guide les précède nonchalamment, sans s’inquiéter le moins du monde des innocents dont il a la charge. Ils sont attachés pour la forme ; mais assurément ils ne savent pas du tout pour-