Page:Whymper - Escalades dans les Alpes.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
395
CHAPITRE XXII.

prenais un croquis du sommet ; tout était prêt et l’on m’attendait pour m’attacher à la corde, quand une voix s’écria que nous n’avions pas laissé nos noms dans une bouteille. Je fus prié de les écrire au plus vite et l’on se mit en marche pendant que je m’acquittais de cette tâche.

Peu d’instants après, je m’attachai au jeune Pierre, et, courant après nos compagnons, je les rejoignis juste au moment où ils allaient commencer à descendre le passage le plus difficile[1]. Les plus grandes précautions étaient prises. Un seul de nous marchait à la fois. Quand il avait trouvé un point d’appui solide, celui qui le suivait s’avançait à son tour et ainsi de suite. On n’avait cependant pas attaché aux rochers la corde supplémentaire, et personne n’en parla. Comme je n’avais pas fait cette proposition pour assurer ma propre sécurité, je ne suis pas même certain d’y avoir pensé en ce moment. Nous suivîmes pendant quelques instants, Pierre et moi, nos compagnons sans y être attachés ; nous aurions probablement continué à descendre ainsi si lord Douglas ne m’avait demandé vers trois heures et demie de m’attacher au vieux Pierre, craignant, dit-il, que Taugwalder n’eût pas assez de force pour se retenir tout seul si l’un d’entre nous venait à glisser[2].

  1. Décrit à la page 387.
  2. Au moment de l’accident, Croz, Hadow et Hudson étaient très-rapprochés l’un de l’autre. La corde n’était pas tendue du tout entre eux et lord F. Douglas ; il en était de même entre tous ceux qui se trouvaient au-dessus d’eux. Croz était debout près d’un rocher qui offrait, à la main comme au pied, des appuis excellents ; s’il avait pu prévoir qu’un accident pouvait arriver, il se serait accroché à ce rocher, assez solidement pour arrêter Hadow dans sa chute. Mais il fut absolument pris au dépourvu. M. Hadow glissa sur le dos, les pieds en avant, heurta Croz sur les reins et le renversa la tête la première. La hache de Croz était hors de la portée de sa main ; quand il disparut à nos yeux, il s’efforçait même sans ce secours de reprendre sa position naturelle ; s’il avait tenu sa hache, je ne doute pas qu’il ne fût parvenu à s’arrêter ainsi que M. Hadow.

    Quand M. Hadow glissa, il occupait une position qui n’était nullement défavorable. Elle lui eût permis de remonter ou de descendre et il pouvait toucher de la main le rocher dont j’ai parlé. Hudson n’était pas aussi bien placé, mais tous ses mouvements étaient libres. La corde n’était pas tendue entre Croz et Hadow ; ils eurent le temps de tomber d’une hauteur de 3 à 4 mètres avant