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Page:Whymper - Escalades dans les Alpes.djvu/423

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APPENDICE.

Cervin ont été nombreuses, mais la seule digne d’une mention est celle de M. Giordano le 3 et le 5 septembre 1868.

M. Giordano vint plusieurs fois au Breuil après son fameux voyage, de 1865, dans l’intention d’exécuter cette ascension, mais le temps avait toujours déjoué ses projets. Parti en juillet 1866 avec J. A. Carrel et d’autres guides, il monta jusqu’à la « Cravate » ; mais là, il fut obligé de rester cinq jours et cinq nuits sur la montagne, sans pouvoir ni monter ni descendre. Cependant, à la date indiquée ci-dessus, il parvint à atteindre le but de ses désirs, et il eut la satisfaction de monter au sommet de la montagne par un versant et de descendre par l’autre. M. Giordano est, je crois, le seul géologue qui ait fait l’ascension du Cervin. Il employa un temps considérable à en examiner la structure géologique, et il se laissa ainsi surprendre par la nuit sur le versant oriental. Je lui dois l’intéressante notice et la coupe que l’on trouvera ci-dessous à la suite du Tableau des Ascensions[1].

Les deux Tableaux suivants s’expliquent d’eux-mêmes. Le premier permet d’embrasser d’un seul coup d’œil toutes les tentatives faites pour escalader le Cervin antérieurement au mois de juillet 1865, soit par les gens du pays soit par des touristes étrangers. Le second comprend toutes les ascensions faites depuis cette date.

À côté de celles qui ont réussi on compte un grand nombre d’insuccès. Leur nombre même m’a obligé à ne les point mentionner. J’ai mis le plus grand soin à dresser ces tableaux avec toute l’exactitude désirable ; mais je puis avoir omis d’y placer certains noms qui auraient droit d’y figurer.

Les ascensions se sont partagées presque également entre les deux routes. Celle du nord reste, à ce que je crois, telle qu’elle était en 1865, à l’exception de la cabane construite depuis sur le versant oriental ; la route méridionale, au contraire, a été rendue beaucoup plus facile par les cordes fixées dans tous les endroits difficiles. Mais elle n’est pas plus sûre qu’elle ne l’était. Ces cordes même ne serviront qu’à la rendre plus dangereuse, à moins qu’elles ne soient l’objet d’une surveillance sévère, sur laquelle il ne faut guère compter, et qu’on ne les renouvelle de temps en temps. En ce qui concerne la difficulté, la différence est, selon moi, fort minime ou même nulle entre les deux chemins. L’ascension du Cervin peut être faite (elle l’a été du reste) par des grimpeurs du dernier ordre. Dans mon opinion, on devrait toujours la déconseiller aux touristes inexpérimentés ; si jamais elle devient à la mode (comme celle du Mont-Blanc, par exemple), on peut prédire d’avance les plus terribles catastrophes.

    très-courte de la montagne ; je suis donc très-fondé à croire que la plupart de ceux qui ont suivi la route du nord, en montant ou en descendant, ont dû passer sur l’endroit même où l’accident avait eu lieu.

  1. M. Giordano emporta un baromètre à mercure et le consulta fréquemment, pendant tout le cours de son expédition. Ses observations m’ont permis de déterminer avec certitude les hauteurs atteintes dans les différentes tentatives d’ascension, ainsi que l’altitude des différents endroits dont il a été parlé dans le cours de cet ouvrage. Ce savant laissa en outre, en 1863, un thermomètre à minima sur le sommet. En juillet 1866, J. A. Carrel redescendit cet instrument qui marquait seulement 12°,78 centigrades au-dessous du point de congélation. On a pensé qu’une épaisse couche de neige l’avait protégé contre les grands froids de l’hiver. Cette explication paraît à peine satisfaisante.