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LA PATRICIENNE

grise où déjà l’on semblait remarquer les premières teintes printanières ; les merles et les pinsons chantaient dans les massifs d’arbres ; leurs notes ailées et joyeuses se mêlaient aux voix des garçons de ferme. Et là-bas, dans le fond, la ville de Berne développait en une ligne presque uniforme son horizon de toits bruns et noirs que surmontait, se dressant dans l’air argenté du matin, la tour inachevée de sa gothique cathédrale.


II


Le même jour, vers onze heures, quelques professeurs, médecins et avocats étaient assis autour de la table ronde d’une brasserie alors très renommée. Ils s’étaient à coup sûr donné rendez-vous là pour la Frühschoppen. Les fenêtres de ce local s’ouvraient, d’un côté, sur une petite ruelle que l’on ne nommerait pas ainsi, si on la trouvait dans une ville du midi. Elle est formée par les parois de hautes maisons. Jamais le soleil n’y pénètre ; et toute la journée, c’est un va-et-vient perpétuel, un bourdonnement confus de toutes sortes de voix et de cris, surtout les jours de foire et de marché, sans compter que l’air est encore empoisonné par les odeurs souvent malsaines que répandent des débris de légumes,