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LA PATRICIENNE

qu’il disait paraissait vivement intéresser la jeune fille.

Et tandis que, tout en écoutant son frère, elle cherchait à calmer les impatiences de Bruno, Jean se souvint tout à coup qu’il avait, pour la première fois, rencontré Mlle Fininger l’automne dernier, un jour que, tenant ce beau chien en laisse, elle passait dans une promenade publique, droite et fière avec un large chapeau hardiment posé sur ses opulents cheveux blonds. Lui, d’une allée voisine, l’avait à peine entrevue, mais assez, cependant, pour que son regard ait conservé comme un reflet de cette vision et qu’un sentiment étrange lui ait révélé la poésie voluptueuse des fables orientales. Car il avait aussitôt songé aux chasseresses de l’Arioste, ainsi qu’à certains tableaux de l’ancienne école flamande et de maîtres français plus modernes. Telle elle lui était apparue alors, telle elle s’amusait à présent avec Bruno.

Et quel nom singulier lui avait donné son frère ! Dougaldine ! Ces syllabes sonnaient presque mystérieusement aux oreilles du docteur. Sans doute on l’avait appelée ainsi en souvenir d’une noble dame de sa famille, d’origine anglaise ou écossaise. Parfois, les Fininger allaient effectivement chercher leurs femmes à l’étranger.

Mais les dernières paroles, par lesquelles son frère venait de terminer son récit, avaient visiblement déplu à Dougaldine.

— Amédée, pourquoi parles-tu ainsi ? fit-elle, d’un ton de doux reproche.

Et, sans attendre de réponse, elle ajouta :

— Tu aurais dû saluer d’abord monsieur. Fais-le maintenant. C’est le docteur…