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LA PATRICIENNE

— Et votre père, monsieur le docteur, se livre-t-il encore à ce travail pénible et dangereux ?

Cette question passa comme une flèche à travers le silence de la salle. Le docteur, sans broncher, la reçut aussi comme un trait, mais un trait que lançait une jeune fille qu’au fond de lui-même il aimait.

Il la regarda tranquillement, sans rancune. Elle se détourna, toute troublée. Puis, il répondit, d’une voix lente :

— Non, mademoiselle. Mon père, dans son jeune âge, avait appris l’état de cordonnier, ce qui lui est très utile pour ses vieux jours. Il ne va plus à la montagne.

— Bravo ! murmura le professeur Grégor, qui voyait toujours avec plaisir un homme de cœur se tirer prestement d’une situation difficile.

Dougaldine se repentit d’avoir été si loin. Elle avait obligé leur hôte, le maître aimé de son frère, à s’humilier devant des étrangers, des inconnus. Mais, aussi, elle était heureuse, sans vouloir s’en expliquer la cause.

Tout à coup, Max de Rosenwelt s’écria :

— Alors, j’ai bien l’honneur de saluer en vous un des démocrates de ce pays. Depuis longtemps, je souhaitais cette occasion.

Et, sans attendre une réponse, il ajouta :

— Vous avez sans doute, chez vous, une très mauvaise opinion de la noblesse ?

Cette question était faite sur un ton provocateur. Dougaldine en fut péniblement froissée. Toutefois, la curiosité l’emporta. Qu’allait dire le docteur ? Comment s’y prendrait-il pour respecter les principes des