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ÂME BLANCHE

extrait une mesure de café en grains, moulus immédiatement par Wantje. J’assistai à la confection lente et minutieuse du « moka » du docteur, — lequel se faisait tellement fort que les femmes prenaient pour elles les brassins successifs de cette infusion-là et ne buvaient jamais d’autre café. De même, elles se nourrissaient toute la semaine du bœuf qui avait fourni le bouillon de M. Veydt.

Lorsque Wantje fut encore une fois redescendue, mais, sans son plateau, qu’elle laissait, avec la tasse de fine porcelaine, le sucrier, la cafetière et les flacons de liqueurs, à la disposition de son maître, la vieille dame l’interrogea de nouveau et sut d’elle que le docteur, ayant séance à la Société de Moralité publique, sortirait vers huit heures.

Notre souper commençait. Il était frugal : une salade de concombres et des pommes de terre en robe de chambre en constituaient tout le menu.

On m’avait placée entre ma tante et ma grand’mère qui dit le Bénédicité ; la servante occupait seule le haut bout de la table. Nous avions des serviettes en canevas bleu, à carreaux : on se servait de couverts en étain, pour épargner l’argenterie dont, seul dans la maison, le docteur usait. Et je me rappelle que ce repas, pris dans une cuisine, ce linge grossier, ces fourchettes d’étain posées sur une nappe en toile cirée froissèrent singulièrement mes goûts d’enfant