Page:Wiele - Ame blanche.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
ÂME BLANCHE

a cinq siècles, tandis que la tête, ou les bras, ou quelque autre morceau essentiel des figures manquent.

De même que j’ai une idée nette de certaines personnes, de certaines choses datant d’une très lointaine époque de ma vie, sans pouvoir en retrouver d’autres, plus proches de moi, de même, je n’ai rien oublié de ma première journée chez mes grands-parents, tandis que bien des jours qui suivirent se sont envolés, ne laissant aucune trace dans le miroir de mes impressions d’alors.

Mon acclimatation parmi ces vieilles gens fut, sans doute, difficile ; j’eus, certainement, beaucoup de peine à me faire à une existence si différente de ce qu’avait été la mienne dans notre joyeux logis de la place du Béguinage…, mais j’étais bien jeune… ; les habitudes ne sont pas tellement enracinées chez une fillette de quatre ans, qu’on ne puisse en avoir raison avec de la persévérance. Il en est autrement des dispositions morales, et j’étais affectueuse, de sensibilité excessive, d’âme tendre. Aussi, ce dont je me souviens bien, c’est, d’avoir souffert cruellement d’une grande détresse, d’une douleur infinie et vague qui me faisait éclater en sanglots et porter instinctivement la main à mon cœur, comme pour prévenir le mal qu’on allait me faire, quand quelqu’un des Veydt prononçait devant moi le nom de ma mère.