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ÂME BLANCHE

tirelire, avec d’autres dons semblables : récompenses pour de petits services que je commençais à rendre dans la maison, étrennes en numéraire du docteur ou de mon oncle Lorentz, que j’avais une sorte de fausse honte à accepter et que je ne reçus jamais sans rougir, car je trouvais ce genre de cadeaux humiliant ; ma tante les trouvait pratiques, et mon grand-père s’occupait à faire fructifier mon petit avoir : le jour de l’an et les jours de fête passés, il vidait ma tirelire, en empochait le contenu et sortait, en disant :

— Je vais travailler au bien de cette petite.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La rue où nous habitions était écartée, peu passante ; elle est restée la même, avec ses maisons décrépites mais, toujours, fraîchement repeintes et si bien serrées l’une contre l’autre, dans leur pose lasse et branlante, qu’on dirait un bataillon d’invalides en pimpant uniforme, se soutenant mutuellement pour ne pas tomber. Les toits rouges rient à l’éblouissement des rayons ; la chaleur fait épanouir une flore bizarre sur la crête des murs et dans le plâtras des auvents. L’hiver y met des luisants de métal des paquets de neige… Combien de fois, je me suis amusée à regarder les façades qui nous faisaient vis-à-vis ! Partout, même ordre figé, insupportable, même propreté glaciale, même silence écrasant. A travers les vitrages limpides