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ÂME BLANCHE

microbes ; ce désinfectant a une odeur inhospitalière, rébarbative, qui se communiquait à notre intérieur en s’y exagérant. Tout y était réglé avec la dernière minutie, depuis la somme des dépenses quotidiennes jusqu’aux menus des repas, jusqu’à la date invariable de la lessive annuelle, de la cueillette des fruits du jardin et de leur rangement au fruitier. Et, dans cette belle ordonnance, jamais rien d’imprévu, jamais ni expansion ni effusion. Les trois femmes actives, renfrognées, muettes, constamment occupées du bien-être du docteur, me font l’effet, aujourd’hui que j’en juge à distance, de ces abeilles ouvrières, vivant seulement pour faire vivre leur reine. La maison, propre et rangée, divisée en chambres régulières comme des cellules, administrée avec méthode, ressemblait à une vaste ruche que n’eût égayée aucun bourdonnement. On y travaillait en silence, on y faisait provision de butin pour assurer à M. Veydt la vie douillette qu’il menait au dedans ; la vie peut-être fastueuse qu’il menait au dehors. En vérité, nous ne savions pas bien à quoi il employait son temps quand il nous quittait, et il était trop avéré que ses dépenses personnelles étaient très fortes. Les journaux, parfois, nous renseignaient : on l’y citait comme président de tel Cercle de Tempérance, en guerre ouverte contre l’alcoolisme ; comme membre honoraire de telle association pour secourir les Pauvres