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ÂME BLANCHE

il n’en avait cure, mais épuisa la dot de sa femme en peu de temps. Elle l’adorait et ne se plaignit pas.

Même, pour le garder, pour le retenir et lui plaire en quelque point, elle flatta son vice de gourmandise et de paresse. C’est ainsi que mon père et ses sœurs avaient été élevés dans le respect, dans la vénération d’un chef de famille qu’ils ne voyaient guère, qui se levait à midi, dînait seul, passait ses soirées dehors et, souvent ne rentrait qu’à l’aube.

Eux avaient eu la rude existence des petits vivant dans un ménage besogneux : l’entretien matériel et les charités du docteur coûtaient tellement cher que c’est à peine si, en se privant et privant ses enfants de tout, en les habillant comme des pauvres et les nourrissant chichement, Mme Veydt parvenait à nouer les deux bouts. Sa fortune, puis les héritages qu’elle fit par la suite, fondaient aux mains de ce gros mangeur d’argent, comme la neige au soleil, et elle pardonnait cette gloutonnerie ; elle restait avec son mari d’une générosité que je nommerai héroïque, car son instinct était tout le contraire.

Mes plus anciens souvenirs me la montrent froide, têtue, avare et sévère, d’aplomb dans sa respectabilité de sage personne attachée à son devoir. Aucune créature ne poussa plus loin qu’elle la passion de la propreté, la haine de la poussière : elle fourbissait elle-même les boutons