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ÂME BLANCHE

de cuivre des portes et des fenêtres et tenait closes, tout l’été, les persiennes de son salon, par effroi du soleil qui aurait pu dégrader la couleur des papiers de tentures. Aux repas, elle avait toujours les yeux fixés sur ma main, sur mon verre, sur mon assiette ; on aurait dit qu’elle souffrait de me voir boire ou manger. J’éprouvais de cette continuelle surveillance une grande gêne qui m’ôtait l’appétit. Mme Veydt n’admettait point que je fisse des taches à ma serviette et m’en réprimandait vertement quand ce malheur arrivait, mais une tache sur la nappe, les dimanches, quand la toile cirée de la cuisine se trouvait remplacée par du beau linge damassé, provoquait son courroux :

Les jours de vrugge marckt [1] la voyaient levée avant l’aurore, dans la préoccupation d’acheter quelques centimes moins cher les légumes de la semaine ; et elle était sans confiance dans les préceptes nouveaux ou les recettes hasardeuses : c’est ce qui lui fit s’obstiner à l’usage de l’huile de colza, pour l’éclairage, longtemps après le règne du pétrole et l’avènement du gaz ; de même, on cousait et on tricotait à la main, chez nous, malgré le triomphe des machines à coudre et à tricoter, mais elle eut fait une lieue à pied sous la pluie, le vent, la neige ou le plus accablant soleil, pour procurer

  1. Marché matinal.