Page:Wiele - Ame blanche.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
ÂME BLANCHE

bornes l’envahissait devant les petits mouvements automatiques de l’appareil.

— Une fameuse invention, Sophie, une fameuse invention ! répétait-il, tout à fait content.

En ces soirées du dimanche, qui nous réunissaient tous les cinq dans son cabinet, il nous offrait, au dernier moment, un verre d’un exquis kûmmel enfermé là, dans son armoire particulière. Nous buvions cette liqueur debout, avec déjà notre bougeoir en main, pour aller nous coucher et c’est tout ce que nous absorbions en sa compagnie. Aussi, puis-je dire, en vérité, qu’un seul jour par an nous voyait à la même table que mon aïeul.

C’était le 31 décembre, quand tous les Veydt de Bruxelles et de la province se groupaient autour de leur doyen d’âge, dans le but de réveillonner avec lui et, à l’heure de minuit sonnant, de lui présenter leurs congratulations pour l’an neuf.

Ils arrivaient rue Marcq après avoir soupé chez l’un d’entre eux, car il était bien entendu qu’on servirait seulement chez le docteur un lunch léger, avec un doigt de vin au moment des souhaits ; les divers mouvements de cette réception, — la seule qui eût lieu chez mes grands-parents au cours de toute une année, — étaient réglés avec la dernière précision. Sa rareté lui donnait de la valeur et une espèce de solennité. On en parlait chez nous dès les bises d’automne :