Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/145

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pier, comme celles qu’on emploie en France, le carton recouvert de papier ou recouvert de toile, les demi-reliures en cuir ou en veau.

Il dédaigna le drap comme une pauvre matière, sur laquelle la dorure ne tarde pas à s’effacer.

Quant aux belles reliures, en elles, « la décoration s’élève jusqu’à l’enthousiasme ».

Elle a sa valeur éthique, son effet spirituel.

« En faisant de bon travail, nous élevons l’existence à un plan plus haut » dit le conférencier, et il insista avec une sympathie affectueuse sur ce fait qu’« un livre est d’un naturel sensitif », qu’il est fait par un être humain pour un être humain, que le dessin doit venir de l’homme lui-même et exprimer les états de son imagination et la joie de son âme.

Il faut donc qu’il n’y ait point de division du travail :

« Je fabrique moi-même ma colle, et j’y prends plaisir, » dit M. Sanderson, en parlant de la nécessité où se trouve l’artiste de faire tout son travail de ses propres mains.

Mais avant que nous ayons de la reliure vraiment bonne, il faut que nous ayons une révolution sociale.

Dans l’état présent des choses, l’ouvrier, réduit au rôle de machine, est l’esclave du patron, et le patron enflé en millionnaire est l’esclave du public, et le public est l’esclave de son dieu favori, le Bon Marché.

Le relieur de l’avenir devra être un homme éduqué qui apprécie la littérature et a de la liberté pour sa fantaisie et du loisir pour sa pensée.

Tout cela est fort bon, fort juste.

Mais quand il traite la reliure en art imaginatif,