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expressif, humain, nous devons avouer qu’à notre avis M. Sanderson s’est un peu trompé.

La reliure est essentiellement décorative, et la bonne décoration est suggérée plus fréquemment par la matière et par le genre de travail que par le désir quelconque de l’homme qui conçoit l’idée de nous exprimer sa joie en ce monde.

De là vient que la bonne décoration est toujours traditionnelle.

Partout où elle est l’expression de l’individu, elle est ordinairement fausse et capricieuse.

Ces métiers-là ne sont point des arts avant tout expressifs : ils sont des arts impressifs.

Si un homme a quelque chose à dire au monde, il ne le dira point au moyen d’une matière qui suggère et conditionne toujours sa propre décoration.

La beauté de la reliure est de la beauté décorative abstraite.

Au premier coup d’œil, elle n’est point mode d’expression pour une âme humaine.

A vrai dire, le danger de ces hautes prétentions pour un métier manuel consiste en ce qu’ils laissent voir un désir de donner à des métiers le domaine et la raison d’être qui appartiennent à des arts, comme la poésie, la peinture et la sculpture.

Ce domaine, ce motif, ils ne le possèdent point.

Leur but est tout autre.

Entre les arts qui visent à réduire à rien leur matière et les arts qui tendent à la glorifier, il y a un abîme.

Néanmoins M. Cobden Sanderson a eu parfaitement