Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/47

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Vient à son tour l’époque de l’agriculture, ère de la guerre avec la terre, où les hommes prennent du plaisir dans le champ de blé et le jardin, mais voient d’un mauvais œil tout obstacle à la culture, comme la forêt, la roche, tout ce qui ne peut pas être réduit à l’utilité par la soumission, tels la montagne et la mer.

Nous arrivons enfin au pur sentiment de la nature, au pur plaisir que donnent la seule contemplation du monde extérieur, la joie qu’on trouve dans les impressions sensibles, en dehors de tout ce qui a rapport à l’utilité ou à la bienfaisance de la Nature.

Mais là ne s’arrête pas le développement.

Le Grec, dans son désir d’identifier la Nature et l’Humanité, peuplait le bosquet et les flancs des montagnes de belles formes fantaisistes, voyait le dieu tapi dans la futaie, la naïade suivant le fil de l’eau.

Le moderne disciple de Wordsworth, visant à identifier l’homme avec la Nature, trouve dans les choses extérieures « les symboles de notre vie intérieure, les influences d’un esprit apparenté au nôtre ».

Il y a bien des idées suggestives dans ces premiers chapitres du livre du Professeur Veitch, mais nous ne saurions être de son avis sur l’attitude du primitif en face de la Nature.

La sensation de plein-air, dont il parle, nous paraît comparativement moderne.

Les mythes naturalistes les plus antiques nous parlent non point du « plaisir sensuel » que la Nature donnerait à l’homme, mais de la terreur que la Nature inspire.