Page:Wilde - Le portrait de Dorian Gray, 1895.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
LE PORTRAIT

suis fâché que vous ne vouliez pas me laisser regarder encore une fois le tableau. Mais nous n’y pouvons rien. Je comprends parfaitement ce que vous éprouvez.

Lorsqu’il fut parti, Dorian se sourit à lui-même. Pauvre Basil ! Comme il connaissait peu la véritable raison ! Et comme cela était étrange qu’au lieu d’avoir été forcé de révéler son propre secret, il avait réussi presque par hasard, à arracher le secret de son ami ! Comme cette étonnante confession l’expliquait à ses yeux ! Les absurdes accès de jalousie du peintre, sa dévotion farouche, ses panégyriques extravagants, ses curieuses réticences, il comprenait tout maintenant et il en éprouva une contrariété. Il lui semblait qu’il pouvait y avoir quelque chose de tragique dans une amitié aussi empreinte de romanesque.

Il soupira, puis il sonna. Le portrait devait être caché à tout prix. Il ne pouvait courir plus longtemps le risque de le découvrir aux regards. Ç’avait été de sa part une vraie folie que de le laisser, même une heure, dans une chambre où tous ses amis avaient libre accès.