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DE DORIAN GRAY

qui couvrait la main paraissait plus éclatante ; le sang nouvellement versé s’y voyait…

Alors, il trembla… Était-ce simplement la vanité qui avait provoqué son bon mouvement de tout à l’heure, ou le désir d’une nouvelle sensation, comme le lui avait suggéré lord Henry, avec un rire moqueur ? Oui, ce besoin de jouer un rôle qui nous fait faire des choses plus belles que nous-mêmes ? Ou peut-être, tout ceci ensemble ?…

Pourquoi la tache rouge était-elle plus large qu’autrefois ! Elle semblait s’être élargie comme la plaie d’une horrible maladie sur les doigts ridés !… Il y avait du sang sur les pieds du portrait comme si le sang avait dégoutté, sur eux ! Même il y avait du sang sur la main qui n’avait pas tenu le couteau !…

Confesser son crime ? Savait-il ce que cela voulait dire, se confesser ? C’était se livrer, et se livrer lui-même à la mort ! Il se mit à rire… Cette idée était monstrueuse… D’ailleurs, s’il se confessait, qui le croirait ? Il n’existait nulle trace de l’homme assassiné ; tout ce qui lui avait appartenu était détruit ; lui-même l’avait brûlé… Le monde dirait simplement qu’il devenait fou… On l’enfermerait s’il persistait dans son histoire… Cependant son devoir était de se confesser, de souffrir la honte devant tous, et de faire une expiation publique… Il y avait un Dieu qui forçait les hommes à dire leurs péchés sur cette terre aussi bien que dans le ciel. Quoi qu’il fît, rien ne pourrait le purifier jusqu’à ce qu’il eût avoué son crime…

Son crime !… Il haussa les épaules. La vie de Basil Hallward lui importait peu ; il pensait à Hetty Merton… Car c’était un miroir injuste, ce miroir de son âme qu’il contemplait… Vanité ? Curiosité ? Hypocrisie ?