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DE DORIAN GRAY

— La société, murmura le jeune homme… Je ne veux rien en connaître. Je voudrais gagner assez d’argent pour vous faire quitter le théâtre, vous et Sibyl. Je le hais.

— Oh ! Jim ! dit Sibyl en riant, que vous êtes peu aimable ! Mais venez-vous réellement promener avec moi. Ce serait gentil ! Je craignais que vous n’alliez dire au revoir à quelques-uns de vos amis, à Tom Hard, qui vous a donné cette horrible pipe, ou à Ned Langton qui se moque de vous quand vous la fumez. C’est très aimable de votre part de m’avoir conservé votre dernière après-midi. Où irons-nous ? Si nous allions au Parc !

— Je suis trop râpé, répliqua-t-il en se renfrognant. Il n’y a que les gens chics qui vont au Parc.

— Quelle bêtise, Jim, soupira-t-elle en passant la main sur la manche de son veston.

Il hésita un moment.

— Je veux bien, dit-il enfin, mais ne soyez pas trop longtemps à votre toilette.

Elle sortit en dansant… On put l’entendre chanter en montant l’escalier et ses petits pieds trottinèrent au-dessus…

Il parcourut la chambre deux ou trois fois. Puis se tournant vers la vieille, immobile dans son fauteuil :

— Mère, mes affaires sont-elles préparées ? demanda-t-il.

— Tout est prêt, James, répondit-elle, les yeux sur son ouvrage.

Pendant des mois elle s’était sentie mal à l’aise lorsqu’elle se trouvait seule avec ce fils, dur et sévère. Sa légèreté naturelle se troublait lorsque leurs yeux se rencontraient. Elle se demandait toujours s’il ne soup-