Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/103

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de misérables hommes, indignes de notre

 magnifique héritage. Où est-elle, la plume
 de l'austère Milton? où est-elle, cette puissante
 épée qui punit son maître d'une juste mort? Les
 années ont perdu leur chef de jadis, et aucune voix
 ne part du trépied muet pour atteindre à nos oreilles:
 Et cependant, ainsi qu'une mère réduite à la dégradation,
 met au monde au milieu d'un spasme
 un vil enfant, qui lui inspire de l'horreur, de même
 notre enthousiasme le plus sincère
 engendre des enfants illégitimes, l'anarchie, qui
 joue pour la Liberté le rôle de Judas, le vil et licencieux
 prodigue qui vole l'or de la liberté, sans
 que pourtant il lui en reste rien, l'Ignorance, le
 seul vrai fratricide depuis Caïn, l'Envie, aspic qui se
 meurtrit lui-même de ses piqûres, l'Avarice, dont
 la main paralysée
 ne s'ouvre plus qu'avec raideur; l'Avidité bondée
 d'argent, et dont la faim monotone épuise les
 hommes, au milieu du tumulte des roues. Ce sont
 là les semences de choses qui feront périr leur
 semeur. Voilà ce que chaque jour voit mûrir en
 Angleterre, et les pas si doux de la Beauté ne foulent
 plus les pierres d'aucune des rues enlaidies.
 Ce qu'avait épargné Cromwell lui-même, est
 profané par les mauvaises herbes et les vers, abandonné
 aux jeux tumultueux du vent et des rafales