Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/208

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 comme si l'opulente maîtresse de Jupiter, Danaé,
 sortie toute brûlante encore de ses bras dorés, s'était
 penchée pour baiser les pétales tremblants, ou
 comme si le jeune Mercure, qui rase de son vol le
 gué sombre de Dis, les avait frôlés tout récemment
 d'une plume de ses ailes; la tige svelte qui porte la
 charge de ses soleils
 est à peine plus épaisse que le fil de la Vierge, ou
 que la tapisserie argentée de la pauvre Arachné.
 Les hommes disent qu'elle s'épanouit sur le tombeau
 d'un être auquel je rendis jadis un culte, mais
 à moi elle semble me rappeler des souvenirs plus
 divins d'ombrages héliconiens hantés des Faunes
 et de mers bleues aimées des nymphes
 d'une vallée inconnue a Tempé, où Narcisse s'étend
 sur le bord d'une rivière transparente, ayant dans sa
 chevelure le désordre de la forêt, dans ses yeux le
 silence du bois, courtisant cette image mobile qui à
 peine baisée se dissout; des souvenirs de Salmacis,
 qui n'est ni jeune homme, ni jeune fille, et qui
 est pourtant l'un et l'autre, embrasé d'une double
 flamme, et jamais satisfait par leur excès même,
 car chacune des deux passions, dans son ardeur
 éprise, se refuse à se séparer de l'autre, et pourtant
 tue l'amour par ce refus;--des souvenirs d'oréades
 épiant à travers les feuilles des arbres silencieux
 sous le clair de lune,