Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/64

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 a qui cueillent les raisins bleus, n'est pas plus tenace
 dans sa constance, que ce simple petit berger,
 à vouloir mes lèvres sans éclat, tant il est joyeux et
 pur. Ses yeux pleins de vie et de soleil feraient oublier
 à une Dryade le serment fait à Artémis, tant
 il est beau, et sa lèvre est faite pour le baiser.
 «Son front blanc d'argent, comme une lune qui
 surgit sur les collines obscures du rendez-vous, a
 la forme d'un croissant. L'ardeur du midi tyrien ne
 saurait évoquer du bosquet de myrte un époux
 plus charmant pour la Cythérée. Le premier et
 soyeux duvet borde ses joues rougissantes, et ses
 jeunes membres sont forts et bruns.
 «Et il est riche: des troupeaux bêlants de grasses
 brebis aux épaisses toisons couvrent ses prairies, et
 dans sa demeure, bien des pots d'argile pleins de
 caillé jauni invitent la mouche voleuse à s'ébattre
 et se noyer. La plaine couverte de trèfle incarnat,
 lui garde son doux trésor, et il sait jouer du chalumeau
 d'avoine.
 «Et pourtant je ne l'aime point. C'était pour toi
 que je gardais mon amour. Je savais que tu viendrais
 un jour me délivrer de cette pâle chasteté, ô
 toi, la plus belle fleur de la vague qui ne fleurit point,
 de toute la vaste mer Égée, la plus brillante des
 étoiles dans le ciel azuré de l'Océan, où se reflètent
 les planètes.