Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/70

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c'est peut-être l'oeuvre de cette divinité puissante si

 soucieuse de préserver sa majesté souveraine de
 toute profanation sur la colline athénienne;--Hélas!
 faut-il que des êtres capables de tant
 d'amour descendent sans avoir aimé dans le séjour
 de la mort?»
 Aussi, de ses douces mains, avec tendresse, elle
 plaça l'adolescent et la jeune fille dans le chariot
 d'or. La gorge blanche, plus blanche qu'un croissant
 de perle, et qu'à peine rayait le lacis d'une
 veine bleue, n'avait pas encore cessé de palpiter,
 et son sein oscillait encore comme un lis que le
 vent agite d'un souffle incertain.
 Alors les deux pigeons déployèrent leurs ailes
 d'un blanc de lait, et le char brillant vogua par le
 ciel, où pointait l'aube; et l'aérienne caravane,
 pareille à un nuage, passa en silence au-dessus de
 l'Egée, jusqu'à l'heure où l'air léger fût troublé
 par le chant des voix languissantes qui appellent
 pendant toute la nuit Thammus ensanglanté.
 Mais quand les colombes eurent atteint leur but
 accoutumé, là où le large escalier de marbre aux
 marches circulaires plonge sa neige dans la mer,
 l'âme voletante de la jeune fille agita une dernière
 fois ses lèvres, pétales tremblants, et s'exhala dans
 le vide. Et Vénus vit alors que son cortège comptait
 une jolie fille de moins.