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Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/73

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eaux, à travers le désordre de sa chevelure frisée,

 il lui sembla voir passer une ombre sur son image
 et une petite main se glissa dans la sienne. De chaudes
 lèvres effleurèrent timidement ses joues pâles et
 dans un soupir lui murmurèrent leur secret.
 Alors il tourna en arrière ses yeux las, et il vit.
 Et leurs figures se rapprochèrent de plus en plus.
 Leurs jeunes bouches s'attirèrent de si près qu'on
 eût dit une rose de flamme, unique et parfaite, et
 il sentit son sein palpitant, et son haleine qui s'échauffait,
 s'accélérait.
 Et il lui donna toutes les caresses qu'il avait
 tenues en réserve, et elle lui fit le sacrifice de
 toute sa virginité, et membre contre membre, en
 une longue et voluptueuse extase, leur passion s'accrut
 et se calma. Oh! pourquoi, chalumeau trop
 aventureux, te risquer à chanter encore l'amour;
 c'est assez de dire qu'Eros ait fait résonner son rire
 sur cette prairie sans fleur.
 O trop audacieuse poésie, pourquoi essayer de
 chanter encore la passion? Reploie tes ailes sur le
 téméraire Icare, et laisse ton lai dormir sur les
 cordes silencieuses de la lyre, jusqu'au jour où tu
 auras découvert l'antique source de Castalie, ou
 cueilli dans les eaux lesbiennes la plume d'or que
 laissa tomber Sapho, en se noyant.
 C'est assez, c'est assez de dire que l'être dont la