Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/149

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éclata de rire de tout son cœur ; et j’avoue que je l’imitai. Lorsqu’il revint à lui, avec un signe d’approbation, il dit :

— Oui, oui, je suis tout à fait d’accord avec vous — et c’est ce que nous faisons tous.

— Oui, et d’ailleurs cela ne gêne pas beaucoup la minorité : car, prenons la question du pont, personne n’est obligé d’y travailler, s’il n’en approuve pas la construction. Du moins, je suppose que non.

Il sourit, et dit :

— Finement vu ; et pourtant, du point de vue d’un indigène d’une autre planète. Si l’homme de la minorité sent son amour-propre blessé, certes il peut le soulager en refusant d’aider à la construction du pont. Mais, cher voisin, ce n’est pas là un baume très efficace pour la blessure causée par la « tyrannie d’une majorité » dans notre société ; car tout travail exécuté est, soit avantageux, soit préjudiciable pour tous les membres de la société. La construction du pont est un avantage pour chaque homme, si cela se trouve être une bonne chose, et un préjudice, si cela se trouve en être une mauvaise, qu’il y ait mis la main ou non ; et, en attendant, son travail est avantageux pour les constructeurs du pont, quoi qu’il arrive. En fait, pour celui à qui la construction du pont déplaît, je ne vois pas d’autre ressource que le plaisir de dire : « Je vous l’avais bien dit ! » s’il se trouve qu’elle était une faute ; s’il en profite, il lui faut souffrir en silence. Une terrible tyrannie que notre communisme, n’est-