Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/15

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Je sentis qu’il fallait causer un peu ; je désignai le quai de Surrey, où je remarquai plusieurs pontons légers en planches le long de l’eau, avec des cabestans à leur extrémité du côté de la terre, et dis :

— Qu’est-ce qu’on fait de cela ici ? Si nous étions sur la Tay, j’aurais dit que c’est pour tirer les filets à saumons ; mais ici…

— Eh ! dit-il en souriant, bien entendu c’est pour cela qu’ils sont là. Où il y a du saumon, il est naturel qu’il y ait des filets à saumons, que ce soit sur la Tay ou la Tamise ; mais, bien entendu, on ne s’en sert pas tout le temps ; on n’a pas besoin de saumon tous les jours de la saison.

J’allais demander : « Mais sommes-nous bien sur la Tamise ? » mais dans ma surprise je gardai le silence, et tournai mes yeux éperdus vers l’est pour regarder de nouveau le pont, et de là vers les bords du fleuve londonien ; et vraiment il y avait de quoi m’étonner. Car bien qu’il y eût un pont jeté sur la rivière, et des maisons sur les quais, comme tout était changé depuis la nuit dernière ! Les usines de savons, avec leurs cheminées vomissant le charbon, avaient disparu ; les ateliers de construction disparus ; les tanneries disparues ; et le vent d’ouest n’apportait de Thorneycroft aucun bruit de rivets, ni de marteaux. Et le pont ! J’avais peut-être rêvé d’un semblable pont, mais n’en avais jamais vu de pareil dans aucun manuscrit enluminé ; car le Ponte Vecchio de Florence lui-même n’en donnait pas l’idée. C’étaient des arches