— Très évidemment juste, dis-je : car il me semblait que le vieillard prêchait un peu. Mais répondez à ma question : comment avez-vous atteint ce bonheur ?
— En peu de mots, par l’absence de contrainte artificielle, par la liberté pour tout homme de faire ce qu’il sait faire le mieux, jointe à la connaissance des produits du travail, dont nous avons réellement besoin. Je dois avouer que nous ne sommes parvenus à cette connaissance que lentement et péniblement.
— Continuez, dis-je, donnez-moi plus de détails ; expliquez plus complètement. Ce sujet m’intéresse excessivement.
— Oui, je vais le faire ; mais, pour cela, il faut que je vous ennuie en vous parlant un peu du passé. Le contraste est nécessaire pour cette explication. Ça ne vous fait rien ?
— Non, non.
Il se réinstalla dans son fauteuil pour un long discours :
— Il est évident, d’après tout ce que nous avons entendu dire et lisons, qu’à la dernière époque de la civilisation, les hommes se trouvaient dans un cercle vicieux, quant à la production des biens. Ils avaient atteint une merveilleuse facilité de production et, afin de tirer le meilleur parti de cette facilité, ils avaient peu à peu créé (ou, plutôt, laissé se former) un système extrêmement compliqué de vente et d’achat, que l’on a appelé le marché mondial ; et ce marché mondial, une fois mis en train, les obligeait à continuer de fabriquer plus de pro-