Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/153

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— Ceci, que maintenant tout travail est agréable ; soit parce que l’espoir d’acquérir honneur et prospérité en travaillant cause une excitation agréable, même lorsque le travail en lui-même est peu plaisant ; soit parce qu’il est devenu une agréable habitude, comme, par exemple, pour ce que vous pourriez appeler un travail machinal ; enfin (et la plus grande partie de notre travail est de cette sorte) parce que le travail lui-même procure un véritable plaisir des sens, c’est-à-dire qu’il est fait par des artistes.

— Je comprends. Pouvez-vous me dire maintenant comment vous êtes parvenus à cet heureux état ? Car, à parler franchement, cette transformation des mœurs de l’ancien monde me paraît beaucoup plus grande et plus importante que tous les autres changements que vous m’avez racontés, relativement au crime, à la politique, à la propriété et au mariage.

— Vous avez raison, dit-il. Vous pourriez même dire, plutôt, que c’est cette transformation qui rend toutes les autres possibles. Quel est l’objet de la révolution ? Certainement, de rendre les gens heureux. La révolution ayant accompli sa transformation prédestinée, comment pouvez-vous empêcher la montée de la contre-révolution, si ce n’est en rendant les gens heureux ? Quoi ! faudra-t-il attendre du malheur la paix et la stabilité ? Il serait plus raisonnable de vouloir cueillir des raisins sur les buissons d’épine, des figues sur les chardons ! Et le bonheur sans un heureux travail journalier est impossible.