Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/235

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du tableau ne soit pas trop belle, autrement il serait déçu quand le rideau sera levé. Je ne veux pas qu’il soit déçu. Mais il est temps que vous partiez, si vous voulez profiter du courant de marée, et aussi du soleil du matin. Au revoir, Hôte.

Elle m’embrassa à sa manière franche, amicale, et cela m’enleva presque mon désir de cette promenade ; mais il me fallut dominer ce sentiment, car il était évident qu’une femme aussi charmante ne pouvait guère manquer d’avoir un juste amant de son âge. Nous descendîmes les marches du ponton et entrâmes dans une jolie barque, pas trop légère, pour nous contenir commodément, nous et notre attirail, et élégamment ornée ; au moment où nous y montions, Bottin arriva, et le tisserand, pour nous voir partir. Le premier avait maintenant perdu sa splendeur, il portait un costume propre au travail, surmonté d’un chapeau à plumes, qu’il ôta toutefois, pour l’agiter en signe d’adieu, avec sa politesse pompeuse, à la vieille mode espagnole. Puis Dick poussa la barque et se pencha vigoureusement sur les avirons, et Hammersmith, avec ses nobles arbres et ses belles maisons au bord de l’eau, disparut peu à peu.

Chemin faisant, je ne pus m’empêcher de comparer le tableau promis du fanage tel qu’il était maintenant, au même tableau tel que je me le rappelais, et surtout l’image des femmes au travail s’évoqua devant moi : le rang d’êtres décharnés, maigres, aux poitrines plates, laids, sans le moindre agrément dans